Les 5 Niyamas sont, selon Patanjali, les 5 règles personnelles à appliquer pour avoir la paix en soi :
1) Saucha, la pureté :
C'est le fait de choisir ce qui est bon pour nous, ce qui n'est pas toxique pour nous à tous les niveaux : c'est choisir consciemment les expériences qui nourrissent notre corps, notre mental et notre esprit.
C'est également la pureté au sens de propreté extérieure.
Cela nous fait faire des choix sur :
- notre hygiène (il existe des pratiques de lavage, de nettoyage de la langue, nez, etc.).
- des pratiques de nettoyage qui améliorent la santé, détoxifient le corps
- notre nourriture : leur qualité, l'énergie contenue dans les aliments (frais, surgelés, etc), le fait de ne pas faire entrer une vibration de violence en soi en mangeant des animaux (pour respecter aussi ahimsa, la non violence)
Au delà de cet aspect physique, nous pouvons également purifier :
- les pensées : comprendre comment elles sont conditionnées ? (pollution par les médias, les films violents, certaines personnes), prendre conscience des émotions qui nous perturbent trop et travailler sur elles.
- l'environnement : comment influe sur nous le désordre ? les préoccupations ? les soucis ?
Les sages disent que Saucha est le but de tout le système du Yoga, que ce n'est pas seulement la base de la santé du corps mais que c'est également la porte vers des états plus profonds et plus tranquilles de méditation.
Dans notre vie quotidienne, on pourra prendre notre douche en conscience par exemple et un geste aussi simple que se brosser les dents deviendra source de bien être, choisir notre nourriture avec soin et pas seulement "se faire un truc à bouffer vite fait",etc. Nous pouvons aussi aller dans chaque pièce de notre maison et voir ce que l'on y ressent, si on s'y sent bien, si ce n'est pas le cas, pourquoi et comment on peut y remédier. Saucha nous incite à voir qu’"il y a une place pour chaque chose et que chaque chose est à sa place". De ce fait, l'énergie positive circule mieux chez nous et on s'y sent mieux. Ce n'est pas être maniaque, c'est une intention de clarté. De ce fait, il est possible que notre esprit se sente également clair et ordonné.
Dans la pratique du Yoga, Saucha prend plusieurs aspects :
- Lorsque nous quittons nos tapis, nous les nettoyons à chaque fois et nous savons que lors de notre arrivée, le tapis est propre. Non seulement par hygiène, mais aussi parce qu'en cours, notre tapis est notre univers, donc nous prenons soin de notre univers qu'il soit dans la salle ou chez nous. Ce petit univers qu'est le tapis, nous permet de séparer l'énergie des autres personnes de la nôtre. Le fait de savoir que notre tapis est propre, nous suggère aussi une clarté, un apaisement, une sensation agréable.
- Saucha s'est aussi se placer ici et maintenant, passer par la position allongée par exemple pour marquer la coupure avec le reste de la journée (changer de rythme, changer d'énergie). C'est également être accueilli par une musique apaisante : cela permet de séparer l'énergie du monde extérieur (tournée vers l'extérieur) et celle qui sera la nôtre tournée vers notre intérieur. On pourrait également chanter (le son Om par exemple) pour marquer cela
- il s’agit également de faire le ménage en soi, grâce aux petits rituels de début de séance, grâce à la concentration sur le souffle, mais aussi grâce à une rigueur imposée par les postures et leur enchaînement. Ce qui est d’abord un effort – d’alignement, de maintien dans une posture, de concentration – devient une façon d’être et l’accès à une certaine épure : il s’agit de se débarrasser du superflu.
2) Santosha, le contentement, la satisfaction, la sérénité :
Ce contentement est issu d'une certaine acceptation de la vie, de nous-mêmes, de ce que la vie nous a donné. C'est accepter ce que l'on a et ce que l'on a pas. Selon Patanjali , c'est le secret du bonheur : A travers la puissance de ce sentiment de contentement, le bonheur devient notre choix.
Dans la vie quotidienne, c'est renoncer à se croire victime de faits extérieurs et prendre la responsabilité de nos réactions. Et c'est en voyant la réalité qu'on pourra mobiliser nos forces créatrices pour entreprendre les actions nécessaires à un changement, pour notre bien. Santosha invite à l'action juste.
Santosha invite aussi à la gratitude face à ce qui nous arrive. Parfois des situations difficiles nous apprennent quelque chose. Il ne tient qu'à nous de voir et de trouver une raison de rendre grâce.
C'est trouver le coté positif des choses, trouver la bénédiction qui existe dans une souffrance, si cela est possible. Parfois cela peut nous aider à réinterpréter des évènements douloureux dans l'instant mais qui au final, nous on apprit quelque chose.
Comment ressentir le contentement si on est déçu de soi, si on s'en veut pour quelque chose, si on se fait des reproches, si on traine une culpabilité, si on n’a pas confiance en soi, si on se trouve nul, si on est en permanence en quête d'autre chose ? Ce genre de pensées ne respectent ni Saucha, la pureté vue hier, ni Santosha.
Gardons à l'esprit que notre démarche nous amène à vivre dans le moment présent et ce qu'on a, dans le moment présent est suffisant et bien. Si cela vous est possible, vous accueillerez l'avenir et vos aspirations avec plus de joie.
La pratique du Yoga y aide en incitant à trouver du plaisir dans la posture, à la savourer, notamment si notre corps nous impose une limite. Cette limite peut être présente en permanence, ou bien correspondre à la vérité d'un jour (un souci physique passager par exemple). Une limite dans notre corps est source d’enseignement : non seulement elle nous apprend l’humilité, mais elle nous enseigne Santosha : Etre heureux de la posture telle qu’on arrive à la pratiquer en conscience. Lorsque les personnes appellent pour s’inscrire au cours, leur réaction est très souvent (vraiment 9 fois sur 10) d’avertir qu’elles ne sont pas souples. En général, je réponds que ce n’est pas grave du tout, mais franchement, j’ai envie de répondre « tant mieux, c’est mieux ! ».
Sur le tapis de yoga, on pratique Santosha en acceptant son manque de mobilité, d’équilibre ou de force dans une posture tout en explorant cette limite pour la repousser en douceur si cela est possible (respect d’Ahimsa), sans se mentir (respect d’Asteya) et sans aucune attente (respect d’Aparigraha) mais avec beaucoup de détermination (respect de Tapas).
3) Tapas, la force d'âme (acquise par l'ascèse). Littéralement c’est la chaleur. Mais aussi l’ardeur, l’austérité, l’ascèse.
Tapas peut aller en contradiction avec Ahimsa car il est question d'ardeur, d'intensité.
"Grâce à une pratique intense, nous éliminons les impuretés et nous atteignons la perfection du corps et des sens." (Yoga Sutra)
On peut interpréter Tapas comme l'ardeur nécessaire à l'obtention d'un objectif que l'on s'est fixé et dont l'approche va nous donner de la joie.
Tapas est le feu présent au cœur de toute action difficile, mais aussi le feu nécessaire pour rester dans sa vérité : ce niyama invite à ne pas renoncer à sa vérité, à rester fidèle à soi, à ce qui nous est cher, non à ce que les autres nous imposent. C’est l’un des apprentissages évidents de la pratique régulière et assidue : elle enseigne la persévérance. Mais encore faut-il savoir où est sa vérité.
Dans la vie quotidienne, Tapas peut se trouver partout : c'est votre ardeur à nettoyer votre salle de bain ou à bien arranger votre jardin, tout simplement. C'est dans toutes les actions que l'on fait avec détermination, enthousiasme et effort. C'est réfléchir à des habitudes que nous avons qui ne sont pas très productives ou qui, si on les aménageait, permettrait d'être mieux. Tapas accroit la confiance en soi, la ferveur, la force.
Dans la pratique, c'est prendre conscience des limites qui m’empêchent d’arriver à l’expression de la posture (tensions, faiblesse, raideurs, peur, … ) et les accepter telles qu’elles sont maintenant. C'est ressentir ses bras qui tremblent, ses abdos qui ne sont peut être pas assez solides, c'est expérimenter cet inconfort dans la posture qui devient confort. Tapas est notre volonté d'aller vers notre objectif : Si on trouve une posture difficile, on peut se créer un objectif réaliste (trouver comment on peut adapter une posture ?). C'est utiliser la visualisation pour se voir ayant atteint l’objectif et imaginer l’aisance de mouvement que cela apporte. C'est mettre en place les pratiques qui m’aideront à atteindre mon but (c’est par exemple identifier une série d’exercices qui prépare une posture (d’où parfois une notion de « posture finale » dans un cours, c’est prévoir une plage horaire suffisante pour les faire, c’est aussi par exemple prendre soin de soi en consultant un osteopathe qui trouvera la source d’un empêchement… ). C'est aussi explorer consciemment mes limites avec des micromouvements ou des modifications à la posture pour bien les cerner et les dissoudre graduellement, d’où les pratiques posturales où on peut rester plusieurs souffles dans une posture, la sentir évoluer).
La méditation est également un Tapas qui concentre l'esprit et le purifie. Si c’est un Tapas alors cela explique pourquoi la vigilance est nécessaire et la posture assise utile pour maintenir cette vigilance, ce feu. Il existe de nombreuses formes de méditation. Certaines pratiques peuvent être longues, atteindre une sorte de transe. D’autres pratiques sont par essence courte comme les méditations tantriques car la transe n’est pas souhaitée, alors que la vigilance et la conscience oui. Le feu est important pour les tantrikas car il est source de purification. Nous en reparlerons.
4) Svadhyaya, a un double sens c’est l'étude de soi mais aussi l'étude des textes sacrés :
Littéralement, cela signifie ramener à l'esprit, repenser pour se souvenir, observer et méditer sur nous mêmes. C’est regarde son esprit comme on regarde son corps dans le miroir. C’est une auto étude qui nous fait observer nos pensées, nos mémoires, nos comportements, nos réactions avec une certaine distance (dans l’attitude du spectateur, de l’observateur) pour les comprendre et méditer dessus. Cette attitude centrée, immobile permet à terme de choisir ce qui est bon pour nous, que ce soit en terme d’attitude mais aussi de réaction à quelque chose (émotion ou mémoire). C’est le Shakta Upaya des tantriques dont j’espère avoir le temps de vous parler.
Donc, pour résumer, toute activité qui favorise l’étude de soi, l’examen de son comportement, de ses émotions et de ses pensées relève de Svadhyaya. Bien entendu, les mots « toute activité » sont à prendre avec des pincettes car si on se tourne vers des choses diverses et variées dans le but de se connaitre, on a une dispersion d’énergie qui est nuisible. Les tantriques dont nous parlerons plus tard disent qu’il doit y avoir alignement entre le point de vue, la pratique et les « fruits » c'est-à-dire les buts car sinon une pratique spirituelle ne sert à rien. Cela signifie, en corrélation avec cette attitude centrée que l’on a, qu’il est préférable de ne pas se disperser, utiliser des pratiques qui correspondent à notre «point de vue », c'est-à-dire principalement aux enseignements de notre lignée même si on peut regarder d’autres choses bien sûr. Bien sûr, de nombreuses techniques méditatives permettent cette étude.
Dans la vie quotidienne, c'est lire, étudier, se nourrir d’expériences rapportées par d’autres et qui trouvent un écho en nous. Mais il s’agit moins d’une quête que d’une posture intérieure ; lorsque nous sommes dans cette attention à ce qui se passe en nous, les livres ou les rencontres nourrissantes viennent à nous, plus que nous les choisissons. L’écoute de soi engendre une écoute plus largement ouverte sur l’extérieur d’une façon plus apaisée. C'est avoir un comportement qui est en adéquation avec ce que l'on souhaite, avec notre façon de voir, prendre des décisions conformes à nous mêmes.
C'est Svadhyaya qui permet de trouver la Lumière de notre Soi, qui nous sommes vraiment.
Dans la pratique du Yoga, c'est de pratiquer ces yamas et nyamas, les asanas, les respirations, les méditations dans la conscience du ressenti pour apprendre à reconnaitre quand on agit en harmonie avec nous mêmes, nos objectifs. C'est donner à la pratique cet aspect contemplatif lorsque nous observons le ressenti de notre corps. C'est apprendre à reconnaitre quand on fait quelque chose qui va à l'encontre de nos objectifs. Svadhyaya va tempérer Tapas (le précédent Niyamas) , sinon on ne pourrait pas ressentir (c'est l'équilibre entre l'action et la reflexion). C'est ce lien entre Svadhyaya et Tapas qui va développer la pleine conscience, la clarté, la puissance et la confiance en nous.
5) Ishvara pranidhana.
Etymologiquement c'est la piété, la foi, la consécration à Dieu, la dévotion au Seigneur.
À force de persévérance (tapas) et d’autoanalyse (svadhyaya), la pratique amène à prendre conscience que nos actions, nos postures ne sont pas que « moi », qu’elles sont une expérience spirituelle du lien entre « moi » et « Dieu » – que l’on l’appelle également le mystère, la nature ou le grand tout, ou l’univers, ou autre chose selon ses convictions. La pratique est une offrande, et non pas un cadeau égoïstement conservé et admiré ; ce Niyama invite à ne pas rester attaché à sa «performance » physique, à son corps, en se reliant à plus grand. C’est le sens même du yoga : se sentir « uni », aussi bien à l’intérieur de soi qu’avec le tout, autour de soi. C’est la voie de la libération.
Plus concrètement, dans la vie quotidienne, on est dans ishvara pranidhana quand on a fait tout ce qui devait être fait (grâce à la réflexion de svadhyaya et à l'action ardente de tapas) et que du coup, on ressent un lacher prise spontané. Ishvara pranidhana c'est ce lâcher prise spontané dans lequel on va alors se connecter à notre intuition. C'est ce sentiment de confiance dans…….. (dans quoi ? ) qui font que les choses seront comme elles doivent être. Et ishvara pranidhana n'émerge que lorsque l'action (tapas) et la reflexion (svadhyaya) ont été entreprises avec tout notre coeur : on est transcendé, connecté à quelque chose de divin. Difficile d’expliquer cela car la compréhension de ce concept peut aussi être lié à vos croyances personnelles. On retrouve d’ailleurs des expressions de la vie courante qui y font allusion. Par exemple le célèbre « Alea jacta est », « si Dieu le veut », mais aussi « on verra bien », « advienne que pourra », « j’ai fait tout ce que JE pouvais ». Alors forcément, on peut s’en remettre à une entité spirituelle supérieure, au hasard, au destin et Ishvara pranidhana sera alors la foi en cela, l’abandon à cela. Dans une pratique de Yoga non duelle, ce serait tout simplement la confiance en la Vie, en Ce qui Est. Un peu plus haut, j’ai utilisé le mot « lacher prise » auquel j’ai associé bien précautionneusement le mot « spontané » car pour un pratiquant de Yoga, et notamment de Yoga tantrique, le lâcher prise n’a pas vraiment de sens, ça correspond au contraire à une sorte de rejet, au fait d’écarter quelque chose de non digéré et le mettre dans un coin où on le verra moins, car le Yoga tantrique considère que toute émotion doit être digérée et non mise de côté car elle risquerait de devenir toxique (saucha….la pureté). Digérer une émotion fait partie de la pratique, et le mot digérer est tout à fait adapté : garder une partie pour nourrir et rejeter ce qui ne sert pas, c'est-à-dire séparer l’émotion de son histoire, et la conserver seulement en tant qu’énergie car alors elle nous nourrit, quelque soit sa nature, et ne nous détruit pas. Un peu comme un poison qui deviendrait un remède. Un lacher prise spontané est par contre intéressant car il correspond à une notion non duelle, fondamentale pour les Tantrikas : Etre avec ce qui Est.
Pour revenir à Ishvara Pranidhana, dans la pratique du Yoga, ce niyama invite à ne pas rester attaché à sa « performance » physique, à son corps, en se reliant à plus grand. C'est aussi trouver le relâchement dans la force, trouver le "shavasana"(la posture allongée de fin de séance, le relachement en conscience) dans le "tadasana"(la posture debout, bien ancrée, tout le corps engagé), trouver l'harmonie dans le travail de tapas dans la posture et la concentration de svadhyaya. C'est trouver le relachement et le confort dans la posture.
Yamas et Niyamas font partie intégrante des 8 parties qui constituent, selon Patanjali, le Yoga. Les autres parties sont :
- Les Asanas qui rendent le corps fort, souple et relaché, dont le but est de maintenir le corps physique et le corps énergétique tonique pour pouvoir se consacrer à la vie spirituelle
- Le Pranayama (travail sur le souffle) qui nous apprend stabiliser la circulation de l'énergie vitale en nous
- Le Pratyahara, (le retrait des sens) qui ramènent notre concentration vers le silence intérieur
- Le Dharana (la concentration) qui nous apprend à focaliser notre attention et cultiver la perception intérieure
- Le Dhyana (la méditation) qui apprend à maintenir la conscience sans perturbation
- Le Samadhi