Alexandre Jollien :
- Voilà peut-être un acte éminemment révolutionnaire : oser une vie contemplative. Parfois, c'est carrément de la rébellion. Sur le chemin, les obstacles ne manquent pas. Depuis quelques années, je me suis engagé à méditer une heure par jour. Sans ce temps pour oser ralentir et vivre un peu moins mécaniquement, j'aurais déjà coulé depuis longtemps. Quand je ploie sous les obligations, j'espère toujours dégotter un petit créneau pour atteindre mon quota: dans le taxi, à un arrêt de bus, partout...
Mais où se réfugier pour quitter un peu le vacarme? On dirait que le silence fait peur, qu'il rappelle le vide, la mort, qu'il réveille les fantômes, le manque.Pourtant, s'y perdre, c'est entrer dans une plénitude qui guérit. Prier, méditer, c'est abandonner les rôles, les étiquettes, pour vivre de silence en silence. Mais l'épreuve est rude. Pour que l'agitation se dissipe et qu'un calme voie le jour, il faut traverser bien des déserts.
Dans la salle de méditation, un jour de grande tempête, j'ai senti que le calme était toujours là, au fond du fond. Dehors, les éclairs et le tonnerre faisaient rage et il tombait des trombes d'eau. Soudain, j'ai pris conscience que j'écoutais la pluie au sec. J'ai vraiment perçu que rien, absolument rien ne pouvait esquinter notre esprit. Depuis, quand la colère ou la peur rapplique, je garde toujours le souvenir, le goût de cette expérience : je peux écouter la pluie au sec, laisser passer tranquillement les craintes et la mauvaise humeur.
Extrait de "Trois amis en quête de sagesse" par Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard